Le CASH de Nanterre


Le CASH de Nanterre

 


Dr X. Grapton

A l’orée d’une saga retraçant sur un siècle et demi l’histoire du Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre, il parait nécessaire de s’imprégner du contexte historique et social des époques que nous allons traverser.

En 1867, le département de la Seine décidait de faire construire un vaste bâtiment afin d’héberger les personnes sans abri, mais ce n’est qu’en 1870 que le projet se concrétisera confié à l’architecte Achille Hermant et la Maison départementale de Nanterre verra le jour en 1879.

Le plan initial comporte de chaque côté de l’entrée un pavillon pour le concierge et un autre pour le corps de garde. Au fond de la cour d’honneur se dresse le bâtiment administratif. Derrière, une chapelle qui restera inachevée trône au milieu d’un jardin, puis viennent des bâtiments séparés pour les hommes et les femmes avec dortoirs et ateliers. Un quartier de détention se trouve à l’écart isolé par une enceinte. Enfin, 12 logements abritent le personnel.

L’ensemble couvre 17 ha.

                                                       

Qu’en est-il à cette époque en France et que se passe-t-il à Nanterre ?

Alors qu’une nouvelle constitution pour un empire est votée, Bismarck dont le but est d’unifier les états germaniques du nord et du sud envoie la dépêche d’Ems à Napoléon III pour l’inciter à déclarer la guerre à la Prusse. Comme l’avait prédit le duc de Morny, l’armée française est bien moins équipée que ses adversaires, il s’en suit une série de défaites de Mac Mahon et l’empereur est fait prisonnier à Sedan.

Le 4 septembre, la « 3ème République » est proclamée par L. Gambetta, J. Ferry et J. Grévy. Les prussiens s’approchent de la capitale et en font le siège. Une partie de la population de Nanterre migre vers Paris ce que narrent les Frères Goncourt. On se bat désormais en banlieue alors que le Mont Valérien est équipé d’une centaine de canons qui pilonnent les positions ennemies. Maupassant raconte : « Le Mont Valérien tonnait sans repos démolissant à coup de boulets les maisons françaises, broyant les vies, écrasant les êtres ». Nanterre se retrouve entre les feux croisés des canonnades françaises et les tirs d’obus prussiens.

En novembre, le manque de vivres se fait ressentir à Paris, les animaux du Jardin des Plantes sont abattus, puis chiens, chats et rats sont vendus en boucherie, le pain se fait à base de paille. Les réfugiés nanterriens obtiennent alors des laissez-passer pour aller chercher dans leurs jardins abandonnés les quelques légumes qu’ils peuvent y trouver.

En décembre, la disette, le froid et une épidémie de variole aggravent la situation. A. Daudet raconte les bivouacs et les tranchées alors que les zouaves se battent sans répit. Finalement Thiers négocie avec Bismarck et l’armistice est signé.

En janvier, un régiment prussien occupe Nanterre et lui impose réquisitions et perquisitions.

En mars, menés par Blanqui et Prud’hon, les Parisiens se révoltent car Thiers, ayant peur d’une émeute ouvrière et pour satisfaire les vainqueurs, fait reprendre des canons entreposés à Montmartre. C’est la période que l’histoire retiendra comme la Commune de Paris dont la capitale vient de fêter les 150 ans.

Les Fédérés se radicalisent prenant pour modèle la révolution de 1789. Les combats sont acharnés entre communards et Versaillais de Thiers.

                                                     

                                   

Fin mai, c’est la semaine sanglante : exécutions à la mitrailleuse, barricades, répressions terribles. La Commune aura fait 17000 morts, 4700 prisonniers, 4000 déportés, 300 bannis et nombre de sans abris.

En 1879, les Communards seront amnistiés grâce à l’intervention de Victor Hugo. Celui-ci règne désormais sur la littérature alors que T. Gautier et G. Flaubert disparaissent et que le romantisme s’est éteint avec Lamartine puis Vigny. En peinture, la mode est au réalisme avec Courbet mais bientôt va éclore l’impressionnisme avec Manet. En cette année 1879, l’hiver est si rigoureux que la Seine gèle et charrie des blocs de glace ; Monet et Sisley immortalisent ces paysages inhabituels et laiteux. Quelques-uns de leurs contemporains ont couché sur leur toile les champs, les usines et le fleuve à Nanterre (Carpeaux, Vignon, Deroy, Damoye, Mercier, Cazier).

Sur le plan social, la 3ème République est confrontée entre 1873 et 1896 à la Grande Dépression. C’est une période de ralentissement économique qui fait suite au boom industriel de la première moitié du siècle. Précédée par un large mouvement de spéculation immobilière et boursière, une crise bancaire mondiale sans précédent débute alors qu’en France la guerre franco-prussienne nous a privés de toute notre provision d’or. La crise se répercute sur la sidérurgie, le ferroviaire, l’agriculture et l’industrie alimentaire. Les grèves et les conflits sociaux se multiplient, les salaires chutent de 25%, le chômage croît et les vagabonds sont de plus en plus nombreux dans les rues. La misère et la dure condition ouvrière, si bien décrites par Zola, se répandent.

En cette fin du XIXème siècle, quel est le tissu social à Nanterre ?

Avec 12500 habitants, Nanterre reste encore une commune rurale qui peu à peu s’industrialise. Depuis la construction de la première ligne de « tramway à vapeur » en région parisienne Paris-Le Pecq (1837) puis la ligne de chemin de fer Paris-Rouen (1843) avec arrêt à Nanterre, un quartier s’est développé près de la gare avec cafés, épiceries, garages…

Les Parisiens aisés ont profité des grands espaces délaissés par les agriculteurs pour se faire construire des maisons « à la campagne » pendant le second Empire. Néanmoins, une grande partie du territoire autour du centre-ville est occupée par de petites maisons individuelles cernées de palissades de bois agrémentées de jardinets potagers qu’ont représenté avec réalisme Mercier, Utrillo et Vlaminck.

                          

Sur les collines du Mont Valérien, le vignoble s’étend jusqu’au fort ; il produit un vin de piètre qualité mais bientôt le mildiou anéantira tout succès de vendange. L’élevage est encore prospère sur ces grandes étendues alors que progressivement les usines vont grignoter les surfaces non exploitées. C’est ainsi qu’employés et ouvriers de condition modeste s’installent progressivement dans la ville. Parallèlement de petits ateliers de sous-traitance et d’outillage à caractère familial se créent. Les industriels trouvent à Nanterre terrains et main d’œuvre à bon marché et surtout le long de la Seine où les quais sont aménagés pour accueillir des fabriques de bâches, des fonderies, puis des dépôts Fina et Shell car plusieurs ateliers de construction de moteurs auto Dion y voient le jour.

                                  

A l’intérieur de la cité se sont installées la papeterie « Le Petit Parisien », les usines du Dr Pierre (dentifrices et alcool de menthe), la biscuiterie Heudebert, des fabriques de colle et des remises de matériel aéronautique alors que chiffonniers, vitriers et rémouleurs sillonnent les rues aux petits pavés disjoints et souvent couvertes de terre.

Mais il est maintenant temps d’en revenir à notre sujet :

La Maison Départementale de Nanterre à son origine avait pour vocation d’accueillir les individus en détention, en dépôt ou en hospitalité. Elle devait se substituer aux deux dépôts de mendicité de la Seine, celui de St Denis qui existait sous l’Ancien Régime et celui de Villers-Cotterêts créés suite au décret impérial sur « l’extirpation de la mendicité » de Juillet 1808 précisant que « la mendicité sera interdite dans tout le territoire de l’Empire et les mendiants seront arrêtés et placés en dépôt ». La Maison de Nanterre pour certains de ses pavillons devient dès lors un pénitencier qui est administré par le Préfet de Police. En 1884, près de 2000 personnes se répartissent en quatre pavillons cellulaires disposant d’un règlement et de méthodes propres au milieu carcéral. En 1887 par décret du Président de la République, Jules Ferry, un cadre juridique au dépôt de mendicité de la Maison de Nanterre est institué. Ce dépôt reçoit des mendiants libérés, des individus prévenus de vagabondage et de mendicité remis par l’autorité judiciaire à la disposition de la préfecture de police, des indigents infirmes et des personnes sans ressources ni asile et enfin des individus qui solliciteraient leur admission dans l’établissement. Pour faire face à la pénurie de places hospitalières du Nord-Est parisien, l’infirmerie fut autorisée en 1893 à accueillir les personnes venues de l’extérieur nécessitant des soins urgents. En 1900, 5 sections coexistent alors dans l’établissement : la première recevant les mendiants du département libérés de prison, la seconde accueillant les individus aux antécédents judiciaires admis à leur demande, la troisième les hospitalisés sans antécédents judiciaires, la quatrième les vieillards de 70 ans ou plus ainsi que les impotents ou les infirmes incapables de travailler, et enfin la cinquième dévolue à l’infirmerie. Dans cette dernière cohabitent les malades des quatre premières sections, les malades venus de l’extérieur, les femmes enceintes indigentes, les nourrices sans asile avec leurs enfants de moins de 3 ans, les blessés sur la voie publique. Prévue pour 1500 personnes, la Maison reçoit maintenant près de 4500 pensionnaires. Cette surpopulation crée une insuffisance d’alimentation en eau, une promiscuité, de graves défauts d’hygiène, des carences alimentaires et l’apparition d’épidémies. De plus la sévérité du règlement intérieur est source de débordements de la part du personnel.

En 1907, un arrêté du Préfet de la Seine classe l’infirmerie parmi les hôpitaux et hospices pouvant recevoir les vieillards et infirmes bénéficiant de l’assistance obligatoire. Et enfin devant l’accroissement de la population, le Conseil Général de Paris se voit dans l’obligation de faire construire de nouveaux hôpitaux en région parisienne si bien qu’en 1929 est décidée l’édification d’un hôpital neuf de 400 lits ainsi que l’aménagement de la Maison Départementale de Nanterre augmentant ainsi les capacités en nombre de lits de la maternité et de l’infirmerie pour Nanterre mais aussi pour les communes avoisinantes. De même les ateliers où travaillaient les vagabonds sont désormais affectés à la création d’un hospice de vieillards, chacun des aménagements intérieurs (magasin à vivres, à sel, buanderie, …) étant réalisé de la main des hospitalisés. En 1930, la maternité est agrandie ainsi que le servie de chirurgie et l’infirmerie est autorisée par la Préfecture à admettre les malades dès 16 ans des communes avoisinantes (Suresnes, Puteaux, Courbevoie, La Garenne Colombes, Colombes et Bois Colombes). La Maison de Nanterre perd ainsi progressivement tout caractère répressif et sa mission est dorénavant d’accueillir et soigner les personnes en détresse physique, morale ou sociale.

                                            

Progressivement l’infirmerie devient hôpital. Y exerceront le Pr Marc Iselin, éminent chirurgien de la main, le Dr Max Fourestier, chef de service de pneumologie qui fut à l’origine de la découverte de l’endoscopie et qui donna son nom à l’actuel hôpital de Nanterre et le psychanalyste Patrick Declerck qui œuvra auprès des SDF.

En 1968, la Maison Départementale de Nanterre devient la Maison de Nanterre à la fois dépôt de mendicité avec 200 lits, centre d’accueil pour indigents (2700 lits), hospice (800 lits) et hôpital (900 lits). En 1970, par décret préfectoral, les biens, droits et obligations sont transférés à la ville de Paris et une note précise la répartition des spécialités : Médecine A regroupant médecine interne et rhumatologie, Médecine B pour la médecine générale et la gastroentérologie, Médecine C pour la médecine générale et la diabétologie et la Médecine D affectée à la médecine générale et la gériatrie. Les autres services existants étant la pneumologie, l’O.R.L., l’ophtalmologie, la stomatologie, la gynécologie avec une maternité, la chirurgie générale et la réanimation médicale et chirurgicale. Cette grande diversité de l’offre de soins prouve le dynamisme et l’engagement de l’établissement pour la santé du plus grand nombre et en 1989 une loi érige la Maison de Nanterre en établissement public de la ville de Paris à caractère social et sanitaire désormais dénommé Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers (CASH) se composant de trois entités : l’Hôpital Max Fourestier, le centre d’accueil et de réinsertion et la maison de retraite (EHPAD).

                       

Le Conseil d’administration composé de 21 membres est présidé par le Préfet de Police de Paris assisté de 4 membres élus par le Conseil de Paris, 1 membre du Conseil Général, 1 membre du Conseil Municipal de Nanterre.

En 1966, l’Institut de formation des infirmières, aides-soignantes et puéricultrices fut rattaché au CASH.

Une restructuration des bâtiments est prévue réduisant de 2 ha la partie réservée aux activités hospitalières dans le cadre du projet du Grand Paris afin d’y ouvrir un nouveau quartier…