COMMUNIQUE DU 6 JUIN 2020

Dr Christian HUGUE
Président du CD92OM

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Chères Consœurs, Chers Confrères,

Pardonnez-moi ces quelques réflexions très personnelles qui viennent s’ajouter aux drames que nous venons de traverser, perdant des confrères, des amis, des parents ou des patients, dans ce climat anxiogène, avec tous ces bouleversements sociaux, ces annonces médiatiques répétées voire harcelantes, nos craintes, notre ignorance, nos doutes face à la conviction de certains de nos éminents confrères.

Les pandémies ont toujours perturbé le monde social, mais ne changent rien aux volontés de voir se maintenir les modalités qui contrôlent l’exercice du pouvoir. Au contraire : la Santé publique apparaît même, après les pandémies, comme un des instruments du développement des pouvoirs en place et s’il est qualifié de « sanitaire », l’état d’urgence n’est pas sans rappeler celui mis en place à la suite des attentats terroristes de 2015. Il est présenté alors comme un régime d’exception temporaire dans lequel le « comité scientifique » aide le pouvoir exécutif pour le placer avant le pouvoir législatif. Mais s’il était appelé à se prolonger ? … au moins tant que le COVID nous menacera …

Les pandémies ont toujours été déroutantes puisque l’histoire ne parvient jamais à en tracer les origines précises, à en définir les vecteurs ou en déterminer des mesures thérapeutiques strictes. Au Moyen Âge, comment la peste noire est-elle disparue ? On se le demande encore mais on se souvient parfaitement de ces médecins au masque long et pointu chargés de séparer (isoler ?) les patients du XVII  e  siècle ; on les appelait les « médecins bec » puisque leur masque était en forme d'oiseau, nos livres d’histoire ont gardé ses images qui sont gravées dans nos mémoires d’écoliers. Avons-nous beaucoup évolué 4 siècles plus tard ? Les masques ont changé mais pas dans leur principe. Quant à l’isolement, il a été au cœur de nos préoccupations ! C’est un fait d’histoire plus que de mémoire car la documentation immédiate produite à la suite de la crise est assez fruste et les commentateurs si loquaces d’ordinaire en parlent assez peu, même si l’Europe est décimée de moitié.

Le Décaméron du grand Boccace, lui-même, pourtant chef-d’œuvre consacré au monde italien du temps, s’avère assez silencieux sur la question.

On fait comme si cela avait à peine existé.

La pandémie de Covid-19 a plongé le monde dans un état d’exception. Notre nouveau quotidien est fait de confinement, de distanciation sociale et de règles d’hygiène strictes pour briser les chaînes de transmission du virus, et ces démarches prudentes et sanitaires concernent chacun d’entre nous, médecin comme patient, placé dans l’arène sociale avec un risque analogue et une responsabilité individuelle et collective. Notre condition médicale si singulière avec nos patients est très modifiée, la relation « médecin-malade » est devenue très différente, et elle m’interpelle quant à son avenir immédiat.

Alors que les écoles et les institutions culturelles ont fermé, que le monde du travail se réorganise, que l’économie est à l’arrêt et que les frontières sont fermées, nous cherchons une voie pour sortir de la crise : le déconfinement est très progressif à la fois au niveau des loisirs et des obligations sociales.

Certains de ces changements sont-ils durables ?

Pourquoi tous les pays, soumis à la même pandémie, réagissent de façon différente, sans un consensus sanitaire qui pourrait être « planétaire » ? Ainsi on observe l’État d’urgence en France, la loi-décret stricte en Italie, les pleins pouvoirs accordés au Premier ministre en Hongrie, et évidemment le silence sur les mesures adoptées auprès de certains Pays, généralement peu diserts sur leurs attitudes économico- politico-sociales … Au-delà de l’impact sanitaire, la crise du Covid-19 chahute les démocraties européennes et leurs institutions. Les régimes d’exception se multiplient et inquiètent bon nombre de constitutionnalistes et d’associations de défense des droits de l’Homme, qui alertent sur une dangereuse absence de contre-pouvoirs et une potentielle mise à mal des libertés fondamentales. Nous avons été sensibles au projet initial qui plaçait les confrères dans une dimension dilatoire, compromettant le secret médical : heureusement l’Institution Ordinale et réagi et des amendements ont été votés.

Notre mission de soignant restera la même, même si les moyens et les modalités ont modifié nos comportements dans la relation humaine.

Nous développerons d’autres signaux, nous trouverons des mots plus chaleureux, nous chercherons un regard plus attentif et profond, pour compenser ce que nos mains et nos visages n’exprimeront plus…
Restons optimistes et gageons sur notre victoire imminente contre ce sinistre virus perturbateur à bien des niveaux.

Je reste à votre disposition et vous assure de mes sentiments les plus confraternels.