Depuis le 1er janvier 2021, l’hôpital Franco-Britannique est devenu l’un des établissements de la Fondation Cognacq-Jay.
L’ancien Hertford British Hospital, fondé en 1879 et l’ancien hôpital Notre-Dame du Perpétuel Secours, fondé en 1885 avaient fusionné en 2008, sous l’appellation « Institut hospitalier Franco-Britannique ».
A leur origine deux figures que tout opposait : Sir Richard Wallace et Madame de Vatimesnil
Richard Wallace
Le Hertford British Hospital est l’un des rares témoin survivants de la communauté britannique du XIXe siècle à Paris, il est l’œuvre de Richard Wallace dont le mystère de la naissance est scellé pour toujours dans le caveau familial du Père-Lachaise.
Après Waterloo et avec la Restauration en 1815 les britanniques reviennent à Paris où ils trouvent une société moins structurée, des mœurs plus ouvertes, et un coût de la vie moindre qu’à Londres.
Des artisans, des familles bourgeoises, de la noblesse… certains ont côtoyé des familles émigrées ayant fui la Révolution française. Le couturier Worth s’installe à Paris en 1845 et fait revivre l’industrie lyonnaise de la soie, la Comtesse Greffulhe est une de ses clientes, elle et sa famille sont revenues de l’exil londonien.
1848, la France redevient une république avec comme premier Président Louis-Napoléon Bonaparte, Empereur des Français en 1852. Napoléon III renforce l’amitié franco-anglaise, il est ami intime du marquis de Hertford et il prend des leçons d’équitation sur le paddock du jardin de Bagatelle aujourd’hui la roseraie, domaine acquis par Hertford en 1835 et arraché à la Bande noire.
La Folie de Bagatelle est l’œuvre du Comte d’Artois, futur Charles X, le plus jeune frère de Louis XVI, lui aussi amateur de plaisirs attiré par la fête et la vie facile. Alors qu’il n’a que 18 ans il fait le pari à belle-sœur Marie Antoinette de construire en moins de 70 jours une réplique du Petit Trianon. Louis-Philippe le complètera de jardins et une puissante machine à vapeur alimentait en haut de la Seine la maison, les dépendances, le parc, les cascades, le tout desservi par un réseau de tuyaux de plomb.
Les Hertford descendent d’Edward Seymour (quelques habitants de Saint-Maur-des-Bois en Normandie ayant suivi Guillaume cinq siècles avant ?), frère de lady Jane Seymour troisième femme de Henri VIII.
Francis Charles, le troisième Lord Hertford s’implante à Paris lors de l’éphémère traité d’Amiens sous le Consulat et il commerce entre autres dans les œuvres d’art. Il réside dans l’immeuble à l’angle du boulevard des Italiens et de la rue Taitbout, il meurt en 1842 et déjà son héritage bénéficie plus à ses maîtresses, à ses domestiques et aux pique-assiettes qu’à son propre fils Richard, le 4ème marquis de Hertford auquel British Hospital doit son nom. Richard Hertford accroit la taille de son domaine pour se prémunir de l’avancée progressive de la banlieue de Neuilly, Bagatelle était sa maison de campagne. En 1855 il était réputé avoir la plus grande collection d’art d’Europe.
1870, la dépêche d’Ems, la défaite de Sedan, la révolte de Paris, le siège, Lord Hertford célibataire endurci décède à Bagatelle. Il transmet le marquisat à son cousin, sa fortune à Richard Wallace.
Richard Jackson, qui plus tard prit le nom de Wallace (nom de jeune fille de sa mère Mrs Agnès Jackson), était le fils présumé de Lord Hertford. Né en Angleterre sa mère le dépose à Lord Hertford en 1824, il a 6 ans, son « père » à peine 18 ans de plus. Elevé à Paris au contact de sa grand-mère la sulfureuse Mie-Mie Maria Fragani, de son oncle Lord Henri dit « Milord l’Arsouille » dès 20 ans il mène une vie dissolue et à 22 ans il a un enfant de Julie Castelnau, employée de parfumerie à Belleville. Le mariage n’est célébré que 30 ans plus tard, en 1871. Leur fils unique Edmond Wallace ayant servi dans l’armée française meurt prématurément en 1877, ayant eu quatre enfants de sa maîtresse légitime. La Commune de Paris laisse à Richard Wallace une amertume, il quitte la capitale en 1872 avec sa collection d’art et s’établi à Manchester Square à Londres où il fonde la Hertford House. Il ne reviendra à Bagatelle qu’après la mort de son fils en 1887. Richard Wallace s’éteint à Bagatelle 20 ans après son père, en 1890.
Lady Wallace délaisse Bagatelle, seules les Greffulhe et les d'Arenberg (cf. la Société Philanthropique) viennent s’y distraire. Elle lègue à la nation anglaise sa collection d’art et à son secrétaire et homme de confiance Scott la rue Laffitte, Bagatelle et leurs contenus. Scott vide Bagatelle de son riche mobilier et d’une partie de ses statues, et souhaite lotir son parc. La Mairie de Paris préempte et rachète Bagatelle en 1905.
Les fontaines Wallace
Dans les suites des percées de Haussmann, du et de la Commune, de nombreux ont détruits, et le prix de l'eau, a considérablement augmenté. La tentation des « marchands de vin » est grande chez les indigents, et c'est un devoir moral que de les aider et de leur permettre de ne pas plonger dans l' .
Richard Wallace conçu et fit don à la Ville de Paris de 80 fontaines utiles, esthétiques, visibles, en fer, peintes en vert foncé, disposées par l’ingénieur Belgrand, alimentées par la Dhuys affluent de la Seine. Elles se déclinent en quatre modèles, seuls les deux premiers seront financés par Wallace :
Le grand avec ses 4 cariatides représentant la bonté, la simplicité, la charité et la sobriété, mais aussi les 4 saisons. Elles sont toutes différentes, soit par la position de leur genou et de leurs pieds, soit par la manière dont leur tunique est nouée au niveau du corsage ;
Un plus petit où les cariatides sont remplacées par des colonnettes ; Un modèle en applique ; Et enfin un petit modèle avec bouton poussoir.
Pendant le Siège de Paris Wallace avait improvisé deux services d’ambulances pour ses compatriotes, c’est-à-dire des hôpitaux civils dans différents bâtiments destinés à renforcer l'action des services de santé pour les soins d'urgence : l’un rue d’Aguesseau à Neuilly l’autre rue de la Révolte à Levallois (route de Versailles à Saint Denis passant à l’extérieur des fortifications, l’actuel boulevard de Reims).
A partir de 1822 Jean-Jacques Perret délimite sur le Champ-Perret de 20Ha 60 lots que Nicolas Levallois viabilise en 1845. Sur cette bande de terrain qui appartient à Neuilly (Levallois ne sera fondé qu’en 1866) s’édifieront le Hertford British Hospital, l’hôpital Notre Dame du Perpétuel Secours, l’hospice Greffulhe.
Wallace finance sur ses fonds propres la construction du Hertford (première pierre en 1877, inauguration en 1879) et son fonctionnement. Dans le cahier des charges de l’architecte Paul Ernest Sanson : un hôpital qui ne ressemble ni à une caserne ni à une prison, de larges ouvertures, de l’air et de la lumière. Le bâtiment sera de style néogothique, avec deux grandes salles communes, des salles de consultation, d’hydrothérapie, des blocs opératoires, hébergement du personnel, un grand jardin divisé en deux sections une pour les hommes une pour les femmes, fleurs du jardin et théières en argent. Il n’y aura jamais plus d’une quarantaine de lits, Wallace devra se conformer à la législation française et les médecins seront donc de nationalité française, alors que les infirmières devront obligatoirement être protestantes.
Il est toujours désobligeant de citer des personnalités médicales et d’en oublier d’autres, parmi ceux qui ont fait la réputation du Hertford le Pr Tuffier pionnier de la chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, le Dr Babinski, les Prs Sicard, Lhermitte, Soulié, Lenègre, Olivier et le Dr Juvin à partir de 1962 comme médecin résident.
Au décès de Wallace en 1890 aucune disposition n’avait été donnée quant au devenir de cet hôpital. Sa veuve conseillée par Scott fait don de l’hôpital au gouvernement britannique. A la mort de Lady Wallace en 1897 Scott est le légataire universel et se voit obligé à une contribution au fonctionnement de l’hôpital d’un montant de 10% de sa rente annuelle !
Malgré les souscriptions régulières, l’engagement du couple royal à partir de 1937 et l’abdication d’Édouard VIII, les visites de la Reine Mère et de la Princesse Margaret, le déficit est endémique. A partir de 1946 le National Health Service Act place tous les hôpitaux britanniques sous l’autorité du ministère de la santé, mais le Hertford reste indépendant. La fermeture du Hertford est envisagée, elle le sera de nouveau en 1975, le Maire communiste de Levallois Parfait Jans y surseoira. À partir des années 1960 les hôpitaux français se modernisent, aux salles communes succèdent des chambres individuelles ou à deux ou trois lits, le nombre de patients citoyens britanniques diminue.
A un premier lotissement de terrain en 1972 succèdent les constructions d’une maternité en 1980 avec l’aide se Simone Veil et d’une aile hospitalière en 1982 dont l’inauguration se fera en la présence de la Reine mère et de Patrick Balkany tout nouveau Vice-Président du Conseil Général. Devenu maire en 1983 ce dernier mettra son veto à la destruction de l’ancien Hertford et obtiendra son inscription aux monuments historiques en 1987. L’ancien Hertford est dès lors donné en location à diverses sociétés.
Le Hertford British Hospital devenu Centre Hospitalier Franco-Britannique à la demande de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation fusionne avec l’Hôpital Notre Dame du Perpétuel Secours en 2008 et devient l’Institut Hospitalier Franco-Britannique.
C’est à l’histoire de ce « Perpétuel Secours » que nous vous donnons rendez vous dans un prochain Flash92
Tous nos remerciements à notre ami le Dr Loïc Morand, ancien Chef de service de chirurgie du Franco-britannique qui a bien voulu nous confier son exemplaire personnel de « Sir Richard Wallace, le millionnaire anglais de Paris » de Peter Howard, administrateur.