L'histoire de l'hôpital Américain de Paris

L'Hôpital Américain


Dr X. Grapton

I. Les Origines

C’est en 1906 que le Docteur Antoine Magnin et son ami Henry Antony Van Bergen décident de créer une association dont le but est d’offrir aux ressortissants américains résidant en France des soins médicaux et chirurgicaux tels que pratiqués aux USA et prodigués dans leur langue maternelle.

Le Dr A. Magnin possède la double nationalité franco-américaine, sa mère étant française et son père newyorkais. C’est d’ailleurs à New York qu’il obtient son diplôme de médecin, mais s’installe finalement à Paris. Brillant botaniste, il est l’auteur de plus de 500 publications. Il terminera sa carrière comme doyen de la Faculté des Sciences et Directeur de l’Ecole de Médecine de Besançon, berceau de sa famille maternelle. Quant à H.A. Van Bergen, fils d’un riche homme d’affaires américain, il siège au directoire de la « Compagnie d’Assurance pour une Vie Equitable ». Il sera le commissaire américain des expositions universelles de Paris en 1878 et 1889 et sera fait officier de la Légion d’Honneur.

Au début du XXème siècle, de nombreux américains séjournent en France comme étudiants, touristes ou résidents. Ils sont près de 100 000 à Paris.

Alors que d’importants progrès en matière de santé sont réalisés en France dans le sillage des découvertes de Pasteur (connaissance des microbes anaérobies, avancées sur la propagation de la fièvre typhoïde, du choléra, de la variole, du charbon et de la tuberculose, prise de conscience de l’importance de l’hygiène et de l’asepsie), les étrangers se sentent tenus à l’écart. C’est donc dans ce contexte qu’en 1904, A. Magnin et H.A. Van Bergen créent la « Société pour la Fondation à Paris de l’Hôpital des Etats Unis » permettant aux seuls ressortissants américains d’avoir accès à des médecins formés aux USA.

En 1906, avec sept notables de la communauté américaine dont le banquier J.H. Harjes, cofondateur de la banque Morgan, est signé l’acte fondateur.

En Juillet 1907, n’ayant trouvé aucun emplacement à Paris pour la construction de l’édifice, un terrain est finalement repéré à Neuilly sur Seine sur une parcelle ayant appartenu naguère à l’un des domaines préférés du roi Louis Philippe. Pendant trois années les fondateurs s’attellent à faire prospérer leur structure et à lui donner une notoriété en élisant un banquier à sa présidence et l’Ambassadeur des Etats Unis, Henry White, à la présidence d’honneur. En Octobre 1909, ce dernier et le Ministre de l’Instruction Publique, Gaston Doumergue, futur Président de la République, inaugurent l’hôpital qui compte alors 24 lits.

En Janvier 1913, le Congrès américain vote une loi qui reconnaît la Charte de l’Hôpital Américain de Paris et lui accorde un statut fédéral, ce qui lui permet de pouvoir recevoir dons et legs. En 1914, l’hôpital ouvre sa propre école d’infirmières. Au fil des années l’établissement se développe et finit par accueillir à partir de 1930 des patients non-américains.  

II. L’Hôpital Américain de Paris pendant la Grande Guerre

1. La participation américaine à l’effort de guerre avant son entrée armée dans le conflit :

Dès Août 1914, la politique de stricte neutralité des USA est contestée par la population américaine (l’écrivain Henry James par exemple décide de devenir britannique devant l’attitude des dirigeants américains). A Paris, la colonie américaine lance un appel à l’engagement volontaire dans l’armée française, mais tout citoyen américain se mettant au service d’une puissance étrangère perd ses droits et sa nationalité. Une parade est dès lors trouvée : l’engagement dans la Légion Etrangère ou comme non-combattant dans les services ambulanciers volontaires. Aussi dès Octobre 1914, le régiment de marche de la Légion Etrangère, l’un des plus décoré en France, participe à la campagne de Champagne. En Août 1916, avec l’aide d’officiers français l’escadrille 124, américaine, est formée. L’ensemble des volontaires américains sera appelée la « Lafayette Flying Corps », citée à l’Ordre de l’Armée.

2. Les USA dans la guerre

Les Etats Unis sont impliqués dans la 1ère guerre mondiale bien avant leur entrée en guerre ; en effet en Janvier 1917 l’Allemagne a entamé une guerre sous-marine s’étendant aux marines neutres commerçant avec la Triple Entente (France, Royaume Uni et Russie).

Au même moment les anglais interceptent un télégramme adressé par le ministre allemand des Affaires Etrangères Arthur Zimmermann, à son ambassadeur à Mexico lui demandant de négocier une alliance avec le Mexique tournée contre les USA en échange de la récupération des territoires perdus du Texas, du Nouveau Mexique et de l’Arizona.

Le 02 Avril 1917, le Président W. Wilson demande au congrès de déclarer la guerre à l’Empire Allemand et le 06, les USA s’engagent aux cotés, et non au sein, de la Triple Entente car si elle reconnaît les démocraties occidentales française et britannique, elle est réticente vis à vis de la Russie qui opprime la Pologne et organise des pogroms contre les Juifs. La conscription est inégalement acceptée (4 millions de conscrits, 3 millions d’insoumis, mais les Afro-américains victimes de la ségrégation raciale s’engagent en masse).

3. La puissance économique américaine se mobilise

L’industrie automobile américaine fournit le corps expéditionnaire britannique en ambulances et camions Ford. Les américains approvisionnent l’Entente en énergie, matières premières, produits industriels et alimentaires et les banques prêtent 2,3 milliards de dollars aux alliés.

4. L’engagement américain sur le sol français

Le 13 Juillet 1917, le 1er corps expéditionnaire américain commandé par le Général Pershing débarque à Boulogne, neuf jours avant, au Cimetière de Picpus sur la tombe de La Fayette, son chef d’état-major prononçait un discours célèbre « Lafayette here we are ! »

Le 03 novembre 1917, le premier bataillon américain se bat à Lunéville, au printemps 1918, les unités américaines s’illustrent lors de la seconde bataille de la Marne, en Août est créée la première armée américaine, en Octobre, elles sont trois. Les forces américaines utilisent les moyens technologiques les plus avancées dans l’artillerie, l’aviation et les soins de santé. Ils aménagent les routes, améliorent les voies de chemin de fer et les ports et en échange les français leur fournissent du matériel militaire.

En automne 1918, 500 000 soldats américains participent à la grande offensive en Champagne et sur la Meuse.

5. L’aide américaine n’est pas seulement militaire

Aux USA, citoyens et associations envoient colis et dons pour soutenir les soldats dans les tranchées. En France, des volontaires médecins et infirmiers se regroupent au sein de l’Ambulance américaine de Paris autour de l’Hôpital Américain à Neuilly.

L’American Volunter Motor Ambulance transportera 28 000 blessés durant la guerre et évacuera les soldats français lors de la bataille de Verdun (de nombreux ambulanciers sont célèbres comme Ernest Hemingway).

Marie Curie souhaite mettre ses travaux sur la radioactivité et ses retombées médicales au service des blessés. Elle organise ainsi le premier service de radiologie mobile des armées et Antoine Béclère participe à la conception d’unités chirurgicales mobiles équipées radiologiquement dans 18 voitures achetées grâce à des fonds américains.

6. Le Bilan

4 355 000 américains ont été mobilisés, 126 000 sont morts, 234 000 ont été blessés.

11 cimetières américains sont répartis sur notre sol près des lieux de bataille.

La guerre a coûté 597 milliards de dollars (valeur actuelle) aux américains.

7. Et pendant ces quatre années l’Hôpital Américain de Paris ?

Dès Août 1914, l’établissement de 24 lits se transforme en hôpital militaire de plus de 600 lits et au plus fort du conflit, il comptera jusqu’à 2000 lits si l’on intègre les hôpitaux de campagne et autres établissements de soins affiliés.

Le 03 Août 1914, le Conseil des Gouverneurs de l’Hôpital, guidé par l’Ambassadeur des USA offre ses services à la France ; en retour, les autorités françaises mettent à sa disposition le Lycée Pasteur de Neuilly et proposent de financer l’ouverture d’un grand hôpital militaire « l’ambulance de l’Hôpital Américain de Paris section des blessés ». 75 associations américaines fédérées sous le nom d’Assistance de Guerre financent la transformation du Lycée Pasteur en annexe hospitalière, le corps des ambulances, l’aide humanitaire et les hôpitaux de campagne. Médecins, chirurgiens et infirmiers vont pendant trois ans soigner et opérer des milliers de soldats. Parallèlement l’American Ambulance Field Service aura transporté 400 000 soldats blessés.

D’importants progrès médicaux ont été réalisés par les équipes médicales américaines pendant cette période : usage de l’électroaimant pour extraire les éclats d’obus, anesthésie à base de protoxyde d’azote, réparation des lésions nerveuses causées par armes blanches sous la direction du Pr H. Cushing, chirurgie reconstructive du visage avec déplacement de lambeaux ayant bénéficié aux « gueules cassées », irrigation antiseptique des plaies sous l’instigation d’H. Dakin.


8. L’après guerre

En 1918, le Conseil d’Etat octroie à l’Hôpital Américain de Paris le statut d’établissement d’utilité publique en remerciement des services apportés pendant la grande guerre.

En 1919, le Dr Marie-Louise Lefort, américaine née de parents français, arrive en France accompagnée de cinq médecins américains et de trente-deux infirmières pour soigner les soldats gazés. Elle s’installe à Reims et fonde l’Hôpital temporaire de l’American Memorial Hospital. C’est à sa demande auprès de ses amis américains qu’un hôpital pour enfants est construit, offert à la ville de Reims meurtrie pendant la bataille de la Marne. Le chantier se poursuivra par la construction de l’Hôpital Civil Maison Blanche.

Cet hôpital Américain de Reims sera agrandi en 1937 et fait partie de nos jours du CHU de Reims.

Lors de la seconde guerre mondiale, l’Hôpital Américain de Paris se transformera de nouveau en hôpital militaire sous la bannière de la Croix Rouge américaine.
 

III. « L’Américain » de 1945 à nos jours

Pour son engagement lors du second conflit mondial, l’Hôpital Américain de Paris sera cité à l’Ordre de l’Armée et recevra la Croix de Guerre.

Le plan Marshall adopté par le président Harry Truman en 1948 pour quatre ans, grâce à ses crédits complétés de dons divers, va permettre à l’hôpital de se doter d’un département de pathologie, d’entreprendre des travaux en laboratoire, d’investir dans de nouveaux appareils de radiologie et de recruter du personnel médical et infirmier.

En 1954, la Joint Commission qui certifie les meilleurs établissements hospitaliers américains, accorde son homologation à l’Hôpital Américain de Paris qui devient le seul établissement civil hospitalier de Paris hors du territoire américain.

Progressivement dans les années 70, l’hôpital fait l’acquisition de plusieurs équipements comme l’IRM et l’angiographie digitalisée, inaugure une nouvelle aile de 74 lits, créé un centre d’assistance médicale à la procréation et ouvre un hôpital de jour.

En 1976, la Fondation de l’Hôpital Américain de Paris, basée à New York, programme des échanges entre France et USA en matière de pratique médicale et technologique.

En 2000, un centre de check-up est constitué, la superficie des blocs opératoires est accrue, une IRM nouvelle génération est acquise, un centre de diagnostic précoce du cancer du sein est ouvert.

De 2007 à 2015, un centre de dialyse est ouvert, une nouvelle maternité voit le jour et un

Pet scan dernière génération ainsi qu’un robot chirurgical sont acquis.

Actuellement l’Hôpital Américain de Paris est l’établissement hospitalier qui accueille le plus grand nombre de malades étrangers en France. S’il est ouvert au grand public, il s’est fait une réputation particulière en recevant de nombreux hommes politiques, stars du cinéma, de la chanson et du sport qui souhaitent la plus grande discrétion voire être admis anonymement.

Symbole d’une santé à deux vitesses, l’établissement en raison d’un statut particulier, pratique des tarifs d’hospitalisation et d’hôtellerie élevés…

Néanmoins l’hôpital peut s’enorgueillir d’un matériel de pointe, d’un personnel médical hautement qualifié et d’un temps de prise en charge extrêmement rapide. Son accréditation par la Joint Commission dont les normes sont d’une exigence unique au monde sont la garantie de son sérieux.