L'Hôpital Corentin Celton


Dr X. Grapton

Depuis le milieu du XIVème siècle existe dans le Faubourg St Germain une maladrerie qui accepte les lépreux (ladres) mais aussi les malades atteints de la gale et de la syphilis. Cette maladrerie est sous l’autorité du Cardinal François de Tournon, abbé de St Germain, et les soins sont confiés aux Sœurs de la Charité. Un peu plus tard l’établissement accueillera les pauvres, les mourants et les pestiférés. Par arrêt royal est ordonné la destruction du bâtiment estimé trop proche de l’espace urbain parisien. Le Cardinal ne tient pas compte de l’arrêt et baille le terrain de l’ancien hospice vendu quelques temps après à un certain R. Fallentin qui commence à reconstruire l’établissement. Dix ans plus tard, Henri II autorise le Parlement à faire construire dans les faubourgs des hôpitaux pour « loger et nourrir pauvres et mendiants ». Le terrain est racheté à R. Fallentin et un hôpital est édifié en 1557 pour accueillir « les insensés, les faibles d’esprit et les épileptiques ».

C’est l’ « Hôpital des Petites Maisons ». Celui-ci sera administré sous l’Ancien Régime par les Commis du Grand Bureau des Pauvres. Ce dernier a un double objectif : le soulagement des pauvres et le recul de la mendicité à Paris. Il favorise ainsi le travail des personnes valides, distribue des secours en argent et en nature aux nécessiteux, organise un service médical à domicile et hospitalise aux Petites Maisons les aliénés, vénériens et teigneux. Installé dans une maison Place de Grève, le Grand Bureau des Pauvres y demeurera jusqu’à la Révolution.

L’Hôpital des Petites Maisons est composé de quatre départements. Le premier accueille près de 400 vieillards ; ce sont d’anciens indigents âgés de plus de 70 ans, valides, célibataires et sans parenté dans l’établissement. Ils doivent être bourgeois de Paris, mais en fonction des places disponibles ce sont les maîtres ou les marchands qui sont reçus avant les compagnons ; tous les autres sont dirigés vers l’Hôpital Général. Une fois admis à l’Hospice des Pauvres, les pensionnaires peuvent s’installer avec leurs biens car rien ne leur est fourni. Ils doivent obéir au règlement, assister à toutes les messes et prônes et ne s’absenter ou découcher qu’avec une autorisation. A leur mort leurs biens reviennent au Grand Bureau des Pauvres. Le deuxième département abrite les « fous » dont l’enfermement fait suite à une lettre de cachet à la demande de la famille à qui il revient de régler les frais d’internement. Le troisième département est dédié aux malades atteints de maladies vénériennes. Ce sont principalement des bourgeois ou des soldats des gardes françaises. Enfin, le quatrième département est affecté aux teigneux soignés gratuitement. 

Peu à peu l’établissement accueillera les « mendiants incorrigibles » et les indigents. Jean Lhuillier de Boulencourt entre 1560 et 1588, président de la Chambre des Comptes contribua par ses libéralités à soutenir « ce pieux et charitable » établissement en y affectant des rentes, en donnant des meubles mais également en faisant élever à ses frais plusieurs bâtiments et une chapelle est rebâtie en 1615.

Sous le Consulat en 1801, l’établissement est transformé en maison de retraite destinée exclusivement aux couples dont un des époux a au moins 60 ans et l’autre 70 ans, ainsi qu’aux veufs de plus de 60 ans et veuves ayant vécu en couple pendant plus de 5 années et surtout capables de payer leur pension. On leur donne pain, viande crue et deux stères de bois et quatre de charbon pour l’année. 

Par arrêté d’avril 1804 l’établissement doit contenir 160 chambres pour couples, 100 pour veufs et

250 lits en dortoir. Il prend désormais le nom d’Hospice des Ménages ou Petits Ménages et est administré par le Conseil Général des Hôpitaux et Hospices Civils de Paris. 

En vertu d’une ordonnance royale, lors de la Restauration, en mars 1817, la chapelle ayant servi d’orangerie pendant la Révolution est rendue à sa première destination.

En 1861, dans le cadre de la politique d’urbanisation du Préfet Haussmann, l’Administration de l’Assistance Publique décide le transfert de l’Hospice dans des bâtiments plus vastes construits en 1863 à Issy, au sud-ouest de Paris sur la rive gauche de la Seine. 

Ce transfert vise également la Fondation Devillas, hospice fonctionnant sur des fonds privés et qui jouxte les Ménages. Désormais la direction devient commune pour les deux établissements.  Louis Devillas était né en 1747, il étudia le droit puis se livra au commerce avec grand succès. Veuf et sans enfant, il décédera en 1832 léguant toute sa fortune pour la fondation de deux hospices, l’un dans sa ville natale dans le Gard, l’autre à Paris. De religion protestante, son testament prévoyait que l’hospice parisien puisse accueillir 6 occupants nommés par le Consistoire protestant et 24 autres personnes provenant des 12 arrondissements parisiens, toutes protestantes.

En 1863 la Fondation Devillas est transférée à Issy à proximité des Petits Ménages. Issy à cette époque est un lieu de villégiature privilégié pour la noblesse parisienne et les grands bourgeois ; on y avait rattaché le hameau des Moulineaux au début du XIXème siècle. Les Petits Ménages en 1863 ont une capacité de 1300 lits. Il s’agit d’une architecture monumentale faite de pavillons répondant aux conceptions hygiéniques de l’époque (ventilation, lumière et verdure) reliés par des galeries, le tout dans une symétrie parfaite ouvrant sur le champ des manœuvres militaires qui fut le berceau mondial de l’aviation, théâtre des premiers vols.  Le XXème siècle est marqué par une série d’évènements tragiques : la crue de 1910 obligeant à évacuer les pensionnaires et laissant derrière elle de gros dégâts. En septembre 1914, l’hospice est transformé en hôpital militaire. Le matériel laissé sur place par l’armée permet la création d’un service de chirurgie en 1920 suivie de celle d’un service de médecine en 1932.

Entre les deux guerres les demandes d’accueil affluent en raison de la situation économique. De nouveaux bâtiments voient le jour entre 1930 et 1936. La deuxième guerre mondiale entraîne une nouvelle évacuation des pensionnaires laissant la place à un hôpital militaire et l’accueil de malades chroniques en provenance d’hôpitaux parisiens surchargés. En 1940, sous les bombardements, 108 malades militaires sont transférés au camp de Drancy par l’occupant.

C’est en 1945 que l’Hôpital prend le nom de Corentin Celton

Ce dernier, né en 1901 dans le Finistère où il est marin pécheur est embauché lorsqu’il arrive à Paris comme garçon de salle à l’Hôpital St Antoine. En 1925, il adhère au parti communiste.
En 1934, il est affecté comme préposé aux consultations à l’Hospice des Petits Ménages. De 1936 à 1938, il mène une action syndicale en tant que secrétaire suppléant de la CGT. En 1939, il devient secrétaire de la Fédération des Services Publics puis il est mobilisé comme infirmier dans la 7ème armée où son courage lui vaut la Croix de Guerre. En août 1940, démobilisé, il retrouve son emploi aux Petits Ménages mais l’Assistance Publique le relève de ses fonctions pour appartenance au PCF. Il passe alors dans la clandestinité et organise les Comités Populaires des Services Publics de la Résistance. Arrêté en 1942, puis condamné à la prison, il est transféré à Fresnes par la Gestapo en 1943 et fusillé au Mont Valérien en décembre 1943. La mention « Mort pour la France » lui est attribué par le Secrétariat aux Anciens Combattants en 1945. Dans les années 1980-1990, l’A.P. décide la démolition des anciens bâtiments et lance la construction d’un hôpital en partenariat avec la ville d’Issy les Moulineaux qui est l’un des plus importants de la Région Parisienne. 


Aujourd’hui c’est un hôpital de suivi qui dispose de services de chirurgie cancérologique et gynécologique, de chirurgie orthopédique avec médecine physique et rééducation, de chirurgie cardiaque avec réadaptation cardio-vasculaire, de gériatrie 1 et 2, de radiologie et de soins palliatifs. Il organise des consultations de gynécologie, de gestion de la douleur, de psychiatrie et addictologie.

Un hôpital de jour est également ouvert. La capacité de l’hôpital est de 510 lits et il a une fonction d’enseignement pour les étudiants en Médecine de Paris Descartes.